Ce matin, je les ai déposés la boule au ventre…
J’appréhendais de les laisser, après ce week-end difficile. Même si je savais que rien ne pouvait leur arriver, je ne voulais pas les quitter.
Cependant, je n’avais pas le choix. J’avais un cours à donner, je devais garder la tête haute face à mes 23 stagiaires. La matinée a été pesante, tandis l’après-midi s’est déroulée dans une ambiance plus légère. Cela m’a fait du bien de couper avec l’actualité. De me sentir utile, de transmettre un peu de mon savoir.

Ce soir, j’avais hâte de les récupérer.  Ils m’ont sauté dans les bras, tout sourires.
La maîtresse de Choupette n’était pas là, elle a passé la journée dans la classe de son frère.
A midi, elle est allée chez « les CE1« , pour la minute de silence. « Tu sais Maman, personne ne parlait ! Mais les petits n’étaient pas là. Que les moyennes, les grandes sections, les CP, les CE1 ».

Je lui ai expliqué que moi aussi, j’avais fait la minute de silence.
« Avec toute ta classe, Maman ? » Oui, c’est cela. Avec toute ma classe, et bien plus encore…

Lorsque je lui ai demandé si elle savait pourquoi on avait tous fait une minute de silence, elle m’a dit « oui, c’est pour penser à tous ceux sur qui les méchants ont tiré« .
Lorsque je lui ai demandé s’ils en avaient parlé à l’école, elle m’a dit que oui. Catherine en a parlé au moment de la minute du silence, Baya leur en a parlé à la cantine, Manon au centre de loisirs.
Lorsque je lui ai demandé si elle avait peur, elle m’a dit, innocemment « ben non, pourquoi ? ».
Lorsque je lui ai demandé si elle était triste, elle m’a encore dit « ben non, pourquoi ? ».  Alors, je lui ai expliqué que Papa et moi étions triste à cause des attentats. Même si aucun de nos proches n’a été touché, nous connaissons plusieurs personnes qui sont directement affectées. Je lui ai expliqué que les méchants, ils ont tiré sur des gens qui mangeaient au restaurant, qui étaient à un concert, qui regardaient le foot. Ils ont tiré sur des gentils, qui voulaient juste profiter de la vie. Et de Paris.

Alors, elle m’a pris la main. Et elle est retournée jouer. Comme pour me faire comprendre qu’elle avait compris, mais qu’elle ne voulait pas en parler.

Little S., avec l’innocence de l’enfant de 3 ans qu’il est, nous a dit : « Les gens qui sont morts, ce sont les gens qui parlent plus. Ils vont aller au ciel. » Puis, d’ajouter : « Maman, les méchants, quand est-ce qu’ils s’en vont de Paris ? Je voudrais aller me promener à Paris moi. »

Il est 20h20, les enfants sont dans leurs lits. Ils devraient dormir, mais au lieu de cela, ils papotent, encore et encore. La petite souris que je suis les écoute…
«  – Maman, elle regarde la télé. 
– Je crois elle regarde si les méchants sont toujours à Paris ! 
– Ah oui, ceux qui ont fait PAN sur les méchants. 
– J’entends la sirène de la police à la télé. Je crois que les méchants ont été arrêtés. Ils vont aller en prison. 
– Trop bien ! Ce week-end on ira à Paris ! »

Je crois qu’à 3 et 5 ans, Choupette et Little S. ont compris la situation. Ils comprennent, ils ne sont pas tristes, ils n’ont pas peur.

C’est promis mes chéris. Bientôt, on retournera à Paris.